Yoann Grégory – L’art noble du service

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ensible aux belles tables, attentif aux détails et marqué très jeune par le sens du service de sa grand-mère lorsqu’elle recevait autour d’un déjeuner de famille, Yoann Grégory s’est toujours senti impliqué dans l’organisation des repas. Quelques années plus tard, il décide d’y consacrer sa vie, avec un seul mot d’ordre : devenir le meilleur.

« C’était une sorte de culture familiale, nous étions tous très attachés à ces moments passés ensemble, toujours rattachés aux plaisirs de la table », se souvient Yoann. « Ma grand-mère – qui a notamment fait l’école hôtelière – avait cette appétence naturelle pour faire plaisir à chacun en réalisant le service à table, mais nous mettions tous la main à la pâte. Et puis, je conserve de précieux souvenirs d’enfance également liés à cet univers, comme les retours de marchés avec mes grands-parents, ces moments où nous faisions les petits pois en discutant avec mon grand-père, les petits-déjeuners au lit avec des chocolats chauds et crémeux servis en plateau… En matière de cuisine, ma madeleine de Proust est multiple ! »
Tourangeau d’origine, il effectue un parcours scolaire classique jusqu’en seconde, où il intègre le lycée hôtelier de Blois avant d’y décrocher un bac technologique hôtelier et un BTS hôtellerie option Génie culinaire et Arts de la table. « Dès le départ, j’ai su que j’évoluerai dans les métiers de la salle. Mais je savais que pour être bon, je devais également maîtriser les univers de la cuisine et de la sommellerie. » Il réalise quelques stages, en salle, durant ses études, au Château de Brécourt, à La Bastide de Moustiers, aux Belles Caves (caviste à Tours), mais celui effectué à L’Ambroisie le marque particulièrement. « J’étais le tout premier stagiaire en salle recruté par le restaurant. J’ai ressenti une immense fierté, comme si je touchais le Graal de notre profession très jeune. J’y ai rencontré des personnes extraordinaires : Mr et Mme Pacaud bien sûr, mais aussi Pierre Le Moullac, directeur de salle à l’époque. Il était incroyable ! Cette maison était fantastique, emblématique. »

DES RENCONTRES MARQUANTES
En sortant de l’école hôtelière, Yoann intègre Le domaine Les Hauts de Loire, au restaurant doublement étoilé à l’époque. « Le directeur de salle m’a accepté, à une condition : je devais rester six mois seulement, avant de partir à l’étranger pour apprendre l’anglais. » Le voici donc parti pour Londres, à l’assaut du célèbre The Fat Duck. « Je suis arrivé début janvier 2005 dans ce restaurant qui était alors triplement étoilé. Fin janvier, il devenait “le meilleur restaurant du monde” par le 50 Best. » Yoann arrive chef de rang et repart un an plus tard maître d’hôtel. « En 2006 je découvre Les Ambassadeurs au Crillon. Une superbe expérience, de belles rencontres, des équipes géniales – parmi lesquelles David Biraud qui dirigeait l’équipe sommellerie, ou encore mon ami Antoine Pétrus, que j’aidais à préparer ses nombreux concours. » Il y reste un an et demi comme premier chef de rang, avant d’accepter le poste de maître d’hôtel et directeur de salle au restaurant Flocons de Sel à Megève, avec Emmanuel Renaut. « Le feeling est immédiatement passé avec Emmanuel. Il compte énormément pour moi, aujourd’hui encore. Il m’a fait grandir, il m’a fait confiance et m’a propulsé dans une dimension professionnelle incroyable. » Mais en 2010, Paris lui manque. Au même moment, David Biraud le contacte pour lui proposer le poste de directeur adjoint au restaurant le Sur Mesure par Thierry Marx, au Mandarin Oriental Paris – poste que Yoann accepte. À la même époque, il remporte la Coupe Georges Baptiste. En 2011, de retour à Tours, il devient le directeur du restaurant La Chancelière* (Montbazon) avant de retrouver Megève, devenant gérant du Christomet. En parallèle, il ouvre un bar à vins, le Comme chez soi, toujours à Megève. « Fin 2013, de retour à Paris, je fais six mois à La Dame de Pic* avant de suivre Adeline Grattard et Chi Wah Chan pour l’ouverture de Yam’Tcha, situé non loin. »

« ÊTRE MEILLEUR QUE LE MEILLEUR »
Yoann développe une réelle complicité avec la jeune cheffe, et retrouve chez Yam’Tcha un « microcosme familial » au sein duquel il se sent bien. « Adeline, c’est mon Emmanuel Renaut au féminin ! C’est chez Yam’Tcha que j’ai véritablement appris à être moi-même. Un client m’a dit un jour : “Adeline n’est pas une cuisinière, c’est une nourricière” et c’est exactement cela, elle cuisine pour ses clients comme s’il s’agissait de sa propre famille. Ses créations sont tellement sincères qu’elles en deviennent exceptionnelles ». Une aventure qui durera huit ans, jusqu’en 2023 – date à laquelle Yoann Grégory décroche le précieux titre de MOF. « Ce titre n’est pas une finalité, mais le début de plein de choses. Il m’encourage à faire toujours plus, à être meilleur que le meilleur. »
Après un break de six mois – dont deux passés au Domaine Les Pierres Écrites (Montlouis-sur-Loire) pour participer aux vendanges, Yoann est contacté par Benoit Petit et le chef Raphaël Rego, pour le double projet parisien Oka (table gastronomique de 16 couverts) et Fogo (bistrot, cuisine à la flamme de 50 couverts), soit deux tables réunies en une seule adresse dans le 17e arrondissement. « J’ai tout de suite été séduit par le fait de pouvoir faire coexister deux univers distincts, tous deux séparés par un simple couloir ! » Le restaurant ouvre en janvier 2024, décroche une étoile en mars et annonce en octobre l’arrivée d’un nouveau chef à la suite du départ de Raphaël Rego : Guillaume Goupil. MOF lui aussi, le chef se fait très vite à ce double univers culinaire, et parvient à conserver l’étoile en 2025. La même année, Oka change de nom et devient Épisodes. Quant à Fogo, il reste ce bistrot gourmand très apprécié de la clientèle de quartier. « Notre principale clientèle est parisienne, et compte énormément d’habitués. Ils viennent ici car ils savent qu’ils vont être bien accueillis et bien servis », souligne Yoann. « L’idée c’est de recevoir comme à la maison, mais de manière professionnelle. À travers le plaisir d’offrir une prestation et le plaisir de recevoir aussi, tout est question de partage. De partage de plaisir. Le plaisir à 360°, finalement ! C’est le moteur de la maison, et ma vision des métiers de la salle. »
LE SERVICE, UN ART NOBLE
Yoann éprouve en effet une réelle satisfaction lorsqu’il entre en scène, en salle, pour servir chaque hôte. « Servir est un art noble. Nous ne sommes en aucun cas dans un rapport de servitude, il est important de le rappeler. Beaucoup de jeunes ne comprennent pas cela. Ils se dégoutent d’un problème sociétal, pas par le métier en lui-même, et c’est dommage. Servir en salle, c’est comme regarder un match de fleuret : avancer, reculer, en étant toujours en contact avec le fleuret et faire en sorte que son impact fasse point, avec une belle ampleur ! Être là sans jamais s’imposer, rester à bonne distance, permettre à ceux qui le souhaitent de nous voir et être invisibles aux yeux de tous les autres : c’est cela, notre métier », résume Yoann, qui envisage l’avenir sous les meilleurs auspices auprès de Guillaume (« un Renaut, un Grattard lui aussi ! », dixit le Directeur de salle & MOF), du chef pâtissier Alexandre Lauret ou encore d’Albert Malongo Ngimbi à la sommellerie. « J’aime foncièrement ce métier, il est donc certain que je l’exercerai encore plusieurs années. Mais dans ce secteur d’activité, le nombre d’opportunités qui se présentent à nous est également très important. J’aime être sur le terrain et au service, mais nous ne savons jamais vraiment de quoi demain sera fait ! »
» Emilie Niel
Photos DR
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