Guillaume Anglade : “Un restaurant est une expérience de la vie
“Quand j’étais enfant, un ami de la famille nous ramenait régulièrement des cadeaux de ses voyages. Quand j’ai su qu’il était maître d’hôtel et que c’est grâce à son métier qu’il voyageait, j’ai voulu faire la même chose. J’avais huit ans. Ma mère, déjà à l’époque, me disait : “Attention, tu travailleras quand les autres s’amuseront.” Mais cette envie ne m’a jamais quitté. Je suis entré à l’école hôtelière de Poitiers à 15 ans, j’y ai passé un BEP puis un bac pro, que j’ai obtenu avec mention. Mes bons résultats à l’école m’ont ouvert les portes des belles maisons pour les stages, La Tour d’argent à Paris, puis chez Michel Guérard. À 19 ans, je sors de l’école hôtelière et là, c’est le début de l’aventure ! Comme je ne parlais pas anglais, je suis parti en Écosse. Malgré un entretien téléphonique désastreux, j’ai été embauché au Gleneagles Hotel où je suis resté quatre ans. Cette expérience m’a permis de grimper les échelons : j’y suis arrivé en tant que commis, j’en suis sorti maître d’hôtel. On travaillait en queue de pie, tout était à la découpe, ça a été un vrai tremplin. En 2002, j’ai remporté le concours du meilleur jeune serveur de Grande-Bretagne. Un an plus tard, j’ai été recruté au Wheatleigh, aux États-Unis, un petit palace de 19 chambres où tout était fait sur mesure pour le client, dans le détail ; il fallait être professionnel et discret. Là, j’ai appris à construire une relation avec le chef de cuisine, j’ai découvert les vignobles américains mais aussi appris à réagir face à un ours. Avec une carte des vins comptant plus de 900 références, nous avons obtenu les plus hautes récompenses dans les guides américains : 5 Diamonds au guide AAA et 5 étoiles au guide Mobile. En 2005, je rentre en France et fais la rencontre de Joël Robuchon, qui me recrute quelques mois plus tard comme maître d’hôtel au Métropole à Monaco. On a obtenu la première, puis la seconde étoile Michelin. Cette expérience m’a propulsé. Varier les expériences Par la suite, l’envie de voyager est revenue et je suis parti à Shanghai pour l’ouverture du Café Montmartre. Cela a été une expérience très différente, en brasserie, la seule de mon parcours qui n’ait pas été gastronomique mais qui m’a appris à gérer une ouverture. Joël Robuchon m’a ensuite rappelé pour l’ouverture du Yoshi au Métropole à Monaco. J’ai ramené du Japon leurs standards de service comme le choix du verre à saké ou le service du plat avec les deux mains, des détails qui nous ont permis de créer un vrai restaurant japonais, le premier de Joël Robuchon, pour lequel nous avons obtenu la première étoile Michelin au bout de huit mois. Ensuite, je suis allé à Singapour pour l’ouverture du Restaurant de Joël Robuchon. Je travaillais 18 heures par jour, mais j’avais carte blanche, une liberté de créer incroyable ! Avec Pierre-Yves Rochon, l’architecte, nous avons travaillé le design, aussi bien des assises que des meubles de service, on a pensé chaque détail pour arriver à un niveau d’excellence. Pour remplacer le vin, peu consommé par les musulmans, j’ai crée un accord mets et thés où l’on disposait de 27 thés différents à accorder avec les 16 plats de la carte. J’ai intégré en 2012 La Réserve, à Beaulieu-sur-Mer, en tant que directeur de la restauration. Mon défi a été de me faire accepter de la clientèle d’habitués, il a fallu être souple. C’est la seule maison que je connaisse où le client, dès sa première visite, se sent chez lui. La salle, une scène de spectacle La relation avec la cuisine est primordiale pour que le service se passe bien. On travaille main dans la main avec le chef Yannick Franques pour trouver l’équilibre entre les contraintes de la cuisine et le service en salle. J’incite mon équipe à être le plus naturel possible, je suis contre la rigidité en salle. Un restaurant, ce n’est pas juste un endroit où l’on se restaure mais une expérience de la vie. Pour moi, c’est une scène de théâtre, les services se suivent mais aucun ne se ressemble. Je trouve aussi important qu’il y ait un côté féminin en salle, les femmes apportent de la fraîcheur, une élégance que nous, les hommes, n’avons pas. Je suis perfectionniste et parfois dur car je veux que les choses soient bien faites, mais j’ai aussi été commis, donc j’essaie d’être juste. Il faut savoir donner envie aux jeunes. C’est un métier avec beaucoup de contraintes et il faut leur apprendre à se faire plaisir dans leur travail pour qu’ils puissent donner du bonheur aux clients. Nous faisons un métier, même s’il est difficile, qui est riche en expériences diverses, qui est fait de rencontres et de partage, un métier qui ouvre sur le monde.
Des détails qui font la différence • L’alliance entre le bois d’olivier et l’argent comme fil conducteur des arts de la table. • La pâte à l’huile d’olive, une création du chef Yannick Franques, servie dans un pot en bois d’olivier. • Le pré-dessert servi dans une assiette conçue sur mesure pour que la petite cuillère tienne à la verticale et qui rappelle la vaisselle utilisée pour l’amuse-bouche. _________________________________________________________ Le conseil du jour “À l’arrivée du client, il faut trouver une accroche et l’exploiter pour créer un lien. Il faut savoir être professionnel tout en étant chaleureux pour mettre le client à l’aise et lui laisser un souvenir impérissable de son moment dans notre maison.” |
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