Le grand retour du service en salle dans les restaurants parisiens

Le grand retour du service en salle dans les restaurants parisiens

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Le grand retour du service en salle dans les restaurants parisiens

Par Alice Bosio et Emmanuel Rubin

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LA SÉLECTION DU FIGARO – Nos meilleures tables parisiennes pour observer le spectacle de ces gestes qui remettent le personnel de salle et son guéridon au centre du repas.

Découper une viande, lever les filets d’un poisson, flamber une préparation… Ces gestes de service au guéridon ancestraux, délaissés au profit de la célérité contemporaine, reviennent sur le devant de la scène, dans les brasseries historiques comme dans les grandes tables. Où ils comptent autant que le contenu de l’assiette. À découvrir

Le homard bleu flambé au whisky de Taillevent

Le lieu. Comme ces élégantes lorsqu’elles relèvent le menton de leur fierté, la haute maison a su remettre en scène son grand roman d’hôtel particulier. De salles en salons intimistes, l’aristocratie artisanale (marqueterie de paille, fresque à la feuille de cuivre, verres églomisés, forge d’escalier, boiseries de chêne) arbitre les élégances sans jamais faire la leçon.

Le plat. Flambage, découpe, assaisonnement… La moitié de la carte de Giuliano Sperandio se prolonge, ici, face client, dans ce petit génie du guéridon qui crée le style français. Un théâtre du geste où le homard bleu flambé au whisky tient du moment de bravoure, fameux à finir sa cuisson minute dans une dextérité de flamme et à rejoindre une assiette étoffée de pommes de terre au safran, shiitakés glacés au beurre et sauce matelote. À déguster comme on visiterait un monument!

Bravo. Voulu comme un manifeste du genre, le menu «Gestes du Taillevent» délivré en quatre services et quatre grands instants de salle (295 €).

Dommage. Hors les desserts, rien à la carte facturé moins de 110 €!

Taillevent. 15, rue Lamennais (8e). Tél.: 01 44 95 15 01. Tlj sf sam, dim. et lun. (déj.). Menus: de 115 € (déj.) à 345 €. Carte: 260-310 €. Plat: 130 € le homard.

Le caneton Frédéric Delair de La Tour d’Argent

Le lieu. Rouverte depuis l’été après quinze mois de travaux d’envergure confiés à Franklin Azzi, l’institution historique de la rive gauche est plus étincelante que jamais. La salle du restaurant au 6e étage arbore désormais une moquette évoquant les méandres de la Seine et un plafond en métal argenté, visible par les passants depuis les quais en contrebas. La cuisine s’est ouverte, offrant un troisième spectacle après Notre-Dame et l’île Saint-Louis, en voisines derrière les grandes baies vitrées, et le ballet du service en salle, qui manie comme personne le guéridon.

Le plat. Ce dernier fréquemment de sortie – dressage du foie gras des trois empereurs, service du soufflé Valtesse, flambage des crêpes Mademoiselle -, mais incontournable pour le caneton «au sang» Frédéric Delair en deux services à partager, recette mythique de la maison. Rôtie entière, la volaille numérotée est présentée en salle avant d’être découpée «à la volée» (à bout de bras, sans toucher le plat). Une fois levées, les cuisses et les aiguillettes repartent momentanément en cuisine avant de revenir avec des pommes soufflées, le temps de presser, sur le petit théâtre à canard au centre de la salle, la carcasse pour faire la sauce au sang qui donne toute sa puissance au plat. Un grand moment.

Bravo. La carte des vins et son large choix de demi-bouteilles ; les nouveaux bars du toit (dès le 1er mai) et du rez-de-chaussée pour prolonger l’expérience.

Dommage. Le caneton Delair ne figure dans aucun des trois menus.

La Tour d’Argent. 15, quai de la Tournelle (5e). Tél.: 01 43 54 10 08. Tlj sf dim. et lun. Menus: de 150 € (déj.) à 440 €. Carte: 220-390 €. Plat: 185 € le caneton (par pers.).

Le tartare de bœuf du Train Bleu

Le lieu. Buffet de gare construit pour l’Expo universelle de 1900, renommé Train Bleu en hommage au Paris-Vintimille au début des années 1960, classé monument historique en 1972 et confié il y a plus de cinq ans à l’étoilé Michel Rostang, ce bijou Belle Époque tout en plafonds monumentaux, dorures et fresques baroques, banquettes, boiseries et nappes blanches continue de faire son effet. D’autant qu’il affiche toujours quasi-complet, dans une ambiance vibrante de brasserie (onéreuse) le midi, plus feutrée le soir.

Le plat. Ici, encore, le personnel en salle, vêtu en costume à l’ancienne, n’est pas avare sur le service au guéridon nappé. Outre le gigot d’agneau rôti servi à la voiture de tranche et les Suzette flambées, le tartare de bœuf de Salers est préparé devant le client dans un cul-de-poule. Le jaune d’œuf est d’abord émulsionné énergiquement avec l’huile et la moutarde, rejoints par les condiments (câpres, échalotes, cornichons, persil et oignon) puis la viande hachée, et enfin l’assaisonnement sel, poivre, tabasco et sauce Worcester. Le résultat, escorté de délicieuses frites et salade, s’avère classique et réconfortant, bien relevé et twisté par la mâche et l’acidité des condiments.

Bravo. Le cadre, à voir au moins une fois, le menu enfant (29 €).

Dommage. Ce midi-là, le serveur ne s’est pas enquis de notre goût pour l’assaisonnement du tartare, contrairement à l’intitulé du plat à la carte.

Le Train Bleu. Gare de Lyon. Hall 1, 1er étage. Place Louis-Armand (12e). Tél.: 01 43 43 09 06. Tlj. Menus: de 55 € à 120 €. Carte: 85-120 €. Plat: 38 € le tartare.

Le gigot d’agneau de Sébillon

Le lieu. À sa création, en 1914, ce fut sûrement l’une des rares belles nouvelles de l’année. Encore en place depuis plus d’un siècle, du côté de Neuilly, à deux pas de la (très battante) porte Maillot, celle-là rêve debout son chic de brasserie dans sa charge légère de boiseries havane, de nappage tendu comme plastron, de bronzes, de vieilleries rieuses et de sépia bien appliqué aux lumières des abat-jour.

Le plat. Le gigot d’agneau! Déjeuner, dîner, il triomphe au décor en y ajoutant cette superbe de circuler sur chariot. Certifiée Allaiton de l’Aveyron, la pièce est présentée entière, opulente, roussie par la cuisson, heureuse comme un dimanche. Dans les années 1920, Soutine l’aurait immortalisée en géniale nature morte. En 2024, le gigot est bien vivant, rutilant dans ses cuivres, régalant avant même que le maître d’hôtel ne l’effeuille de sa lame sûre avec cette politesse de s’enquérir si vous le préférez cuit, rosé ou à la goutte de sang. Une découpe à la française, toujours commencée par la partie la plus bombée puis travaillée parallèle à l’os, les tranches embourgeoisant les assiettes bien rôties, bien nourries de haricots lingots et de jus corsé dont on ne sait plus lequel des deux éponge l’autre.

Bravo. Le gigot servi à volonté!

Dommage. Le pain pas top! La saucière était déçue. Nous aussi!

Sébillon. 20, av. Charles-de-Gaulle, à Neuilly-sur-Seine (92). Tél.: 01 46 24 71 31. Tlj. Carte: 40-90 €. Plat: 31 € le gigot.

Le turbotin rôti du Relais Plaza

Le lieu. Voici trois ans que Jean Imbert, le chef «ami des stars», a repris les fourneaux du palace de l’avenue Montaigne, succédant à Alain Ducasse. S’il joue la carte de la grande cuisine française au gastro, le prolifique quadra a mis au menu dans la fameuse brasserie mondaine au décor de paquebot Art déco, inaugurée en 1936, quelques classiques de son ancien bistrot Mamie (terrine, gratin de daurade, île flottante). Musique de piano-bar et nappes blanches de rigueur.

Le plat. Tartare, Suzette ou volaille entière rôtie bénéficient d’une préparation en salle, aux côtés d’un beau poisson à partager. Remplacé depuis peu par un bar en croûte briochée plus gourmand, nous avons dégusté un turbotin rôti, présenté entier sur sa planche en bois, avant d’être préparé sur le guéridon avec beaucoup de métier à l’aide d’une cuillère et d’une fourchette seulement: retrait de la queue, de la peau, des arêtes, puis service des filets et de la joue dans les deux assiettes, escortées d’une sauce hollandaise dans sa cassolette cuivrée et d’un saladier de grenailles. Cuisson parfaite, portions gargantuesques.

Bravo. Le semainier avec les moules frites au curry du vendredi (28 €), le service prévenant mais qui met à l’aise.

Dommage. Les pommes de terre grenailles aux algues manquent d’assaisonnement et de gourmandise.

Relais Plaza. Hôtel Plaza Athénée. 25, av. Montaigne (8e). Tél.: 01 53 67 64 00. Tlj. Carte: 60-180 €. Plat: 126 € le turbotin (pour 2).

Le soufflé au gruyère de Nonos

Le lieu. Un an déjà que, dans les coulisses de sa Concorde, la table très centrale du Crillon renoue avec ce qui en fit l’âge d’or et l’appétit en lâchant toutes les brides d’un glamour de grill à la française. Des palaces, on disait alors qu’ils étaient des paquebots immobiles. De ce Nonos, on avouera qu’il offre aujourd’hui de se retrouver à table dans la charmante illusion d’un moderne wagon Pullman.

Le plat. Dans l’énergie d’une carte imaginée par l’indomptable Paul Pairet qui n’en fait qu’à sa casquette et où, un plat sur cinq (dont la côte de bœuf découpée en salle), le service s’emploie à la mise en scène, ce spectaculaire soufflé au fromage qu’une main leste vient enfler, au siphon, d’une aguichante mousse gruyère. Au final, en bouche, la plus régalante des mécaniques des fluides.

Bravo. L’ouverture 7 jours sur 7, les couverts (et les cocktails) côté bar.

Dommage. Cette drôle d’enseigne qui nous ferait presque passer pour des caniches!

Nonos. Hôtel de Crillon. 6, rue Boissy-d’Anglas (8e). Tél.: 01 44 71 15 17. Tlj. Carte: 50-170 €. Plat: 18 € le soufflé.

Les crêpes Suzette de La Coupole

Le lieu. Après bientôt un siècle au boulevard et au compteur, il faudrait tout de même penser à lui accorder un surnom. Au petit continent des grandes brasseries, ce pourrait être «la Cathédrale» ou «Notre-Dame des Banquettes» tant elle s’y entend à jouer de ses hauteurs de plafonds, de ses volumes, de son Art déco et de ses piliers colorés par les légendes de la peinture Montparnos. Un chef-d’œuvre de temple païen où fidèles comme novices communient dans les fruits de mer, les choucroutes et…

Le plat. … les crêpes Suzette! À La Coupole, la recette cabotine, précédée de sa réputation, plutôt à la hauteur, toujours portée au guéridon par une brigade qui, dans la cérémonie des par cœur, flambe à feu vif des crêpes pas vraiment dentelle, pas franchement sorties des billigs bretons mais assurément parisiennes, bien en pâte, préférant le moelleux au croustillant et la griserie des vapeurs Grand Marnier. Bref, le dessert en même temps que le digestif.

Bravo. Bientôt la terrasse, toujours le bar d’attente.

Dommage. Dès qu’ils sortent des conventions de brasserie, certains plats de la carte (notamment les poissons) à la ramasse.

La Coupole. 102, boulevard du Montparnasse (14e). Tél.: 01 43 20 14 20. Tlj. Menu: 19,50 € (déj. sem.). Carte: 35-90 €. Plat: 13,50 € les crêpes Suzette.

Le «Kapara Show» de Kapara

Le lieu. Depuis novembre dernier, l’ancien Balagan, premier des établissements du chef star israélien Assaf Granit, étoilé chez Shabour (2e), et de ses associés Tomer Lanzman, Dan Yosha et Uri Navon, est de retour sous un nouveau nom. Dans un décor inchangé, où les meilleures places sont au comptoir pour échanger avec la cuisine survoltée, la jeune Zohar Sasson orchestre un ballet d’assiettes colorées, gourmandes et parfumées, dans une atmosphère musicale et festive.

Le plat. Contrairement aux établissements précités, le «Kapara Show» n’est pas inscrit à la carte. En fonction de l’ambiance, il est spontanément proposé par l’équipe ou bien effectué sur requête du client. À la fin du dîner, les cuisiniers comme le personnel de salle entourent ainsi les convives en chantant, en dansant et en frappant des mains, tandis que l’un d’entre eux dresse à même la table, sur du papier, au rythme rapide de la musique, tous les desserts de la carte (mousse au chocolat à l’huile d’olive et fleur de sel signature, cheesecake au zaatar, flan malabiyah et coulis betterave…). Partage, sans assiette, au programme, donc, et bonne humeur garantie!

Bravo. Le bar à cocktails planqué à l’entrée.

Dommage. L’ambiance moins festive au premier service du soir.

Kapara. 9, rue d’Alger (1er). Tél.: 07 67 40 56 29. Tlj sf dim. (déj.). Menus: 35 € et 40 € (déj.). Carte: 55-80 €. Plat: desserts de 11 à 15 €.La rédaction vous conseille

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